L'avenir de l'ancien dépôt de l'ELRT



MARCQ-EN-BARŒUL Friche Transpole : un devenir qui joue l’Arlésienne !

CHICHE, ON DÉFRICHE ? 

Plus facile à dire qu’à faire. Certaines friches industrielles ou commerciales font partie depuis longtemps du paysage. À quoi, peut-on s’attendre dans les mois à venir ? Aujourd’hui, la friche Transpole à Marcq-en-Barœul, qui devrait accueillir le collège des Rouges Barres… entre autres.

Article paru le 13 août 2017 dans la série d'été de la Voix du Nord. Texte de Brigitte Lemery et photos de Christophe Lefebvre.

1. Le début de l’histoire

Aujourd’hui, ce dépôt centenaire de tramways, vaste espace urbain de 20 487 m2, devenu le refuge des pigeons, des taggeurs compulsifs, est envahi par les ronces, les fleurs sauvages et même les arbustes, régnant en maître sur les antiques pavés de grès et les rails sinueux du « Mongy ». Construit en 1905 avec le Grand Boulevard, c’est l’œuvre d’Alfred Mongy, ingénieur-entrepreneur. Il obtient la concession du Grand Boulevard et imagine d’en faire un axe majeur de circulation, avec un tramway électrique.

L’inauguration conjointe du Grand Boulevard, du tramway, du siège de l’ELRT (Électricité Lille-Roubaix-Tourcoing) a lieu le 4 décembre 1909 avec 200 convives dont MM. Catry, Delsalle, Motte et Dron, maires de Marcq-en-Barœul, Lille, Roubaix et Tourcoing. À l’origine, un seul bâtiment administratif avait été bâti, à droite de l’entrée, des services et un hangar-atelier. Car à gauche, subsistait une des nombreuses fermes de Marcq-en-Barœul, verger de Lille, ensuite rasée pour y construire en 1930 un local pour le personnel du « mouvement » (wattmen et contrôleurs), après l’édification en 1924 d’un second hangar-atelier. Une nouvelle aile droite est bâtie en 1940, puis d’autres hangars-ateliers, avec le succès grandissant du « tram ». Au début de l’exploitation, il y avait 25 motrices à bogies, la série 400 de la Société franco-belge.

2. Plusieurs exploitants

Après l’ELRT, premier exploitant de 1909 à 1968, il y eut la SNELRT (Société nouvelle de l’électrique Lille-Roubaix-Tourcoing) de 1960 à 1981. Puis la Cotrali (Compagnie des transports de la Communauté urbaine de Lille), fusion de la CGIT et de la SNELRT à partir de 1981. La CUDL, créée en 1966 est devenue propriétaire en 1970. En 1982, apparaît le sigle TCC (Transports en commun de la Communauté). En 1989, la Comeli (qui gère le métro) fusionne avec la Cotrali (tram et bus), sous le sigle TCC. Il faut attendre 1994 pour que la TCC devienne Transpole. Et 2012 pour la fermeture du dépôt marcquois.

3. Un site à dépolluer

La friche Transpole, c’est 20 487 m² de bâtiments administratifs, de voies ferrées, de réserves, de hangars, d’ateliers (forge, mécanique, peinture, menuiserie…) qui ont servi à la réparation, l’entretien des motrices et wagons. Une friche dangereuse, souillée par les hydrocarbures, qui nécessitera une dépollution. Le site est sécurisé. Rondes fréquentes et blocs de béton à l’entrée cherchent à éviter l’intrusion des gens du voyage, squatters ou taggeurs.

4. Un projet mixte

Dans le cadre de la requalification des friches industrielles entreprise par la MEL, en lien avec le Département, copropriétaire du lieu, le devenir de la friche pourrait être un projet mixte avec la délocalisation du collège des Rouges-Barres (toujours promise, malgré un budget départemental en berne), l’extension de l’entreprise textile Toulemonde et de l’immobilier tertiaire. Une opération complexe à monter, promise à jouer, elle aussi, comme le collège, l’Arlésienne, malgré un permis de démolition déjà accordé pour la friche Transpole.



Ci-dessous Anita Leurent a fait ces quelques instantanés du site en cours de démolition ©









Le Grand Boulevard de Madrid

 Le Grand Boulevard raconté par un historien espagnol 

 

Un article paru dans la Voix du Nord le mardi 13 février 2024 par Angélique Da Silva Dubuis.



Habiter. La construction du Grand Boulevard, en 1900, s’est-elle inspirée de Madrid et du projet d’Arturo Soria, un urbaniste espagnol ? C’est la conviction de Javier Rodriguez Cabello, historien de l’art en Espagne.   


Il vient de consacrer un article au boulevard Lille-Roubaix-Tourcoing dans une revue spécialisée, Via Libre.  



« Deuxième ville linéaire après Madrid »

 

« Images du Grand Boulevard entre Lille, Roubaix et Tourcoing, la version française de la Cité linéaire de Madrid. » C’est le titre d’une publication sur X (ex-Twitter) émanant de la Fondation Arturo Soria, du nom d’un célèbre architecte et urbaniste espagnol (1844-1920). Une publication assortie de photos assez inédites du Grand Boulevard, issues de la collection privée d’Arturo Soria, illustrant un article d’une dizaine de pages écrit par Javier Rodriguez Cabello.

 

Historien de l’art, membre de la fondation madrilène, il s’est passionné pour le destin d’Arturo Soria à qui l’histoire de l’urbanisme doit le concept de « cité linéaire » (Ciudad lineal en espagnol). Un concept qui a inspiré de grandes villes à travers le monde, dont Madrid et Lille ont été pionnières selon l’auteur.

 

« En Espagne, personne ne connaît vraiment l’histoire du Grand Boulevard. Je trouvais que la deuxième ville linéaire après Madrid méritait d’être connue ici aussi ! »


On apprend qu’en mars 1910, quelques mois après son inauguration, le Grand Boulevard a fait les gros titres du quotidien El Imparcial en évoquant « ce boulevard de 14 kilomètres de long et 50 mètres de large qui devrait faciliter les communications entre Lille, Roubaix et Tourcoing à travers une magnifique cité linéaire qui donne à voir la richesse des grands industriels du Nord de la France. »



Naissance des Cités-jardins

 

Javier Rodriguez Cabello explique avoir été frappé par de nombreuses similitudes entre le boulevard inauguré quinze ans plus tôt dans la capitale espagnole où Arturo Soria développe son modèle face à l’industrialisation qui entasse les familles ouvrières dans des baraquements. « Dans la cité linéaire, chaque famille dispose d’une maison, et chaque maison d’un jardin et d’un potager », défend alors celui qui entendait « ruraliser l’urbain et urbaniser le rural ».

 

Une approche qui fait écho au combat du médecin lillois Théophile Bécour pour désengorger la ville et offrir des conditions de vie plus dignes à la population dans des cités-jardins en facilitant le transport vers les usines de Lille, Roubaix et Tourcoing.

 

Dans son ouvrage L’Hygiène populaire (1896), le médecin les invite à l’exode : « Désertez la ruelle, la cité, l’impasse, la cour sans air ni lumière, où la fleur s’étiole sur la fenêtre, où meurt votre enfant par défaut de soleil. »



« Les habitants l’appellent toujours Mongy »

 

Autre curiosité pour Javier Rodriguez Cabello : les parallèles personnels entre Arturo Soria et Alfred Mongy (1840-1914) : « Tous deux ont commencé comme fonctionnaires et sont ensuite devenus des entrepreneurs dans le tramway. »


De la vitesse de pointe du tramway, 40 km/h, dont les moteurs Westinghouse étaient alimentés par une centrale électrique située à Wasquehal aux 6 000 arbres plantés le long des voies, l’article raconte en détail l’aventure du Grand Boulevard et du tramway relevant au passage que nous l’appelons toujours « Mongy » plus d’un siècle après son lancement.


Au fil de ses recherches sur la métropole, Javier Cabello Rodriguez a fait d’autres rencontres, « des coïncidences plus singulières » dit-il. Pionnière de l’aviation, Hélène Dutrieu aurait survolé à peu de temps d’intervalle les boulevards de Madrid et Lille pour des spectacles aériens.


Dans la cité linéaire, chaque famille dispose d’une maison, et chaque maison d’un jardin et d’un potager.






Voir le site de l'Exposition Internationale de Roubaix en 1911
Savez-vous que cette Exposition s'est déroulée en partie sur le Grand Boulevard inauguré deux ans plus tôt ?